Mort: Laurent Cantet

Laurent Cantet

Un cinéma sensible, à fleur de peau et à fleur de société

Le réalisateur Laurent Cantet, dont on apprenait la disparition par le journal Libération, laisse derrière lui une œuvre sensible et remarquable d'humanité. Laurent Cantet luttait depuis des mois contre un cancer, un combat perdu jeudi à l'âge de 63 ans a fait savoir son entourage.

L’auteur de neuf long-métrages

·      Mi-documentaire mi-fiction, il travaillait sur un projet de film, intitulé « L'apprenti » qui devait sortir en 2025. Le film met en scène un professeur de français, François Bégaudeau et des élèves de 13 à 15 ans, aux origines géographiques etsociales multiples, dans un collège parisien.
·      Avant cela, Cantet s'était fait remarquer avec le film Ressources humaines (1999), sur le monde de l'entreprise et L'emploi du temps (2001), inspiré de l'affaire Jean-Claude Romand.
·      Réalisateur discret à la fibre sociale assumée, Laurent Cantet était entré dans la légende de Cannes en 2008 en recevant la Palme d'or pour Entre les murs, par le jury présidé par Sean Penn.

 
« J'aime pas les maths, les racistes et Materazzi » …

Une réplique lançée par Carl, un des personnages d'Entre les murs en faisant son auto-portrait avec humour , mais le film a aussi ses moments émouvants et graves, l'école servant de caisse de résonance aux difficultés et aux inégalités sociales.

Il était revenu à Cannes en 2017 avec L'Atelier, dans lequel un groupe de jeunes en insertion effectue un stage d'écriture. « Le film fait le constat d'un monde peut-être plus dur encore que celui que décrivait Entre les murs. Mais en même temps, j'espère que le film démontre aussi que la parole est importante. Et que les jeunes la maîtrisent plutôt bien », disait alors Laurent Cantet.
Cantet s'intéresse également à l'impact des nouvelles technologies sur la société. Son dernier film, Arthur Rambo (2021), explore les dangers des réseaux sociaux et la violence en ligne. Le film s'inspire de l'histoire vraie de Mehdi Meklat, un jeune auteur qui a vu sa carrière détruite après la découverte de tweets racistes et sexistes.

« Mes films regardent incontestablement leur époque »

racontait-il en 2017 à Marianne alors que sortait sur les écrans L’atelier, fiction sur une romancière animant des ateliers d’écriture à La Ciotat. J’ai envie de rendre compte d’un certain état du monde et de ne pas laisser cette tâche aux seuls journalistes. En d’autres termes, je désire mettre les mains dans le cambouis, même s’il ne s’agit en aucun cas de donner des leçons, ou de prétendre à l’exhaustivité sur tel ou tel thème ».

Laurent Cantet a beaucoup collaboré avec Robin Campillo (120 battements par minute), qui fut son monteur avant de passer à la réalisation. Aux côtés de Pascale Ferran et de Cédric Klapisch, il avait fondé en 2015 La Cinetek, plateforme de VOD de films éditorialisée par des cinéastes.
Inventant des dispositifs d'écriture et de mise en scène singuliers, le cinéma de Laurent Cantet n’a eu de cesse de brasser la matière du réel et la construction romanesque de ses personnages, pour mieux restituer l'épaisseur et la subtilité des expériences humaines.

L’actrice Marina Foïs qui a tenu le rôle principal dans « l’Atelier » lui rend hommage : « Il savait épargner ses plateaux des luttes d’ego et de pouvoir (…) C’était un des mecs les moins frimeurs que j’aie rencontrés dans ma vie, et ce n’est pas rien de le dire, dans ce monde de frime.»